Suicide à Marseille

Notre collègue libraire Jean François a mis fin à ses jours, les élus ont fait une belle lettre à laquelle Guégan a fait réponse, notre contribution sur le sujet.

Le Directeur de l’Exploitation France (avec les majuscules) nous écrit, donc nous existons à présent.
C’est quand même quelque chose que de se faire qualifier de collègue par le Directeur de l’Exploitation France pour la première fois de sa vie, non ?
Dans le même courrier, notre camarade libraire décédé, devenu par la volonté de l’entreprise « vendeur produits éditoriaux » est redevenu libraire à titre posthume, on ne sait qu’en penser…

C’est tellement rare de recevoir une lettre du Directeur de l’Exploitation France, que c’est presque Noël avant l’heure, surtout quand le monsieur nous qualifie de « collègues », terme que nous préférons à celui de « collaborateurs » trop connoté, mais hélas quelquefois réaliste.

Et pourquoi il nous écrit le monsieur dont la prose est si rare, juste pour nous expliquer que la Fnac ce n’est pas France Télécom et que le suicide de notre camarade libraire de Marseille est un drame personnel.
Personnel, ça veut dire que la boite décline toute responsabilité.
Il est à relever que ses vrais collègues du magasin de Marseille sont dubitatifs, leur lettre en atteste, mais ça doit être sous le coup de l’émotion.

Pour nous, il ne fait aucun doute que la Fnac est parfaitement hors de cause en la matière, et les raisons ne manquent pas d’abonder dans le sens du Directeur de l’Exploitation France et donc du progrès social.

On ne saurait en effet reprocher à la Fnac d’avoir vidé les métiers de leurs contenus, d’avoir transformé les libraires en vendeurs P.E. et en manutentionnaires chargés de mettre en rayon les livres choisis par la centrale, toujours moins nombreux pour éponger le boulot.
Les lettres des libraires de nombreux Ets, c’était pour rire, évidemment. Le cahier de suivi des objectifs (pression mensuelle et écrite) en test actuellement va encore les faire se marrer.

Bien sur la gestion à flux tendu impose des changements de plannings, mais la boite est là pour engranger des bénéfices, ce n’est pas immoral de faire participer les salariés ?

Plus récemment la pénurie d’ouvrages décidée par la centrale pour assainir le stock n’a pas mis les salariés en réelle difficulté face aux clients, ils ont de la ressource y compris face à la concurrence de Fnac.com.

Pas plus que ne peut être reproché à la Fnac d’imposer aux salariés de la librairie de vendre des cartes d’adhérents et d’avoir assis le VIM sur cet objectif, parce que c’est juteux.
Que quelques jours avant le drame, la question des risques psychosociaux à la librairie de Marseille ait été soulevée n’est qu’une coïncidence.
Que des salariés de l’entreprise connaissent des situations de dépression et mêmes de tentatives de suicide, y compris chez les cadres ne relève encore que du hasard, de la fragilité et problèmes personnels.

Les changements d’affectation imposés à certains salariés ne peuvent pas être non plus à l’origine de difficultés, non plus le fait que notre camarade, niveau III1, figurait sur la liste des représentants du personnel discriminés, les autres discriminés sont toujours là, et en général au coefficient II 3, plafond de verre pour les syndicalistes.
Evidemment, la Fnac a recherché une éventuelle cause professionnelle au geste de Jean François, en toute objectivité comme toujours lorsque l’on est à la fois juge et partie.

Monsieur le directeur, continuez donc votre politique de management et autre démarche de progrès, les collègues en redemandent.